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  • Photo du rédacteurCafé-Diplo en Sorbonne

La pensée critique dans l'enclos universitaire, Pierre Rimbert, janvier 2011



La question de la disparition de la figure de l'intellectuel engagé avec le XXe siècle qui l'a vu se greffer au champ politique n'est pas tant le contenu réel de cet article que le point de départ d'une réflexion visant à démythifier le désengagement qui colle aux milieux universitaires. Il s'agit d'en (dé)énoncer des causes structurelles parfaitement identifiables au sein de l'Université et du comportement de ses chercheurs. Il ne semble y avoir de « crise engagée » de l'Université qu'une crise existentielle qu'on peut franchement qualifier de crise post marxiste : les sciences humaines n'étant, en démocratie du moins, a priori rien d'autre que ce qu'on produit d'elles, leurs chercheurs porteraient seuls le poids de leur apparente distance aux ébullitions sociales. Remarque fondée quand on sait que les universités ont constituées le terreau idéologico-théorique, ce moteur par excellence des luttes révolutionnaires du XXe siècle par lequel on resserrait définitivement la corde autour du cou de l'ordre établi.



Critique

Cet article ne se pose ainsi pas vraiment la question d'une emprise évidente (et en vérité acceptée comme une forme de condition par les chercheurs eux-mêmes) du marché du livre sur la production universitaire. Dans sa ligne de mire, il n'y a qu'un esprit de sérieux qui part du postulat suivant : la critique militante n'est à un travail de spécialiste qu'une excroissance mesurable et identifiable dans un ensemble qu'on peut alors qualifier d'objectif. On impute aux travaux universitaires de ne pas relayer une lutte sociale déterminée par des événements ponctuels (grèves ou manifestations) en réaction direct à des réformes polémiques là où les universitaires n'ont rien de moins entre les mains que les clés de la remise en question totale de la société pour compléter un tableau alors révolutionnaire. Aussi ne semblent-ils prendre en compte ces rappels à l'ordre « grands publics » que pour se détacher des possibilités militantes qui leurs sont propres, comme en témoigne la floraison éditoriale « militante » ( qui s'apparente d'avantage à une typologie de travaux de spécialistes qu'à de la production au sens strict du terme) que Rimbert juge insuffisante à nourrir une véritable vocation engagée chez ses auteurs tant elle peine à se détacher des « carcans » et habitudes universitaires. Pour cause : elle peine même à les identifier comme tels alors que leur marque transparaît dans les corrections et dans l'écriture même des articles ou travaux publiables. L'engagement intellectuel se sacrifie forcément à sa réification, s'innocente à moitié par simple politesse.

Il n'en reste pas moins que cette presse éditoriale nous apparaît sous les traits d'une voie que se fraient les intellectuels au sein d'une institution universitaire qui semble en profiter pour camper plus que jamais ses positions d'institution, procédant ainsi à une division cynique du travail pour le moins infructueuse sur le plan d'un engagement militant qui se cherche d'avantage une identité propre que sa conciliation - signifiant aussi cette répartition des tâches qui gêne forcément l'étudiant en sciences humaines - avec une « culture savante ».

Ce que semble avoir à charge l'institution universitaire par le biais même de sa transformation possible, ce n'est ni plus ni moins qu'une partie de la poursuite sociale qu'elle peut choisir de mener à bien (ou non) dans le sens de ce vide laissé par le désengagement révolutionnaire. Ce vide là qui lui brûle les doigts depuis le marxisme lui-même qu'elle rechigne à assumer comme un héritage à part entière, opposant que tout le monde célèbre la fin du monde libérale.


Auteur : Pierre Rimbert est un journaliste français, collaborateur au Monde Diplomatique et membre de l'association d'analyse et de critique des médias Acrimed. Il a notamment publié en 2005, aux éditions Liber-Raisons d'agir, l'ouvrage "Libération, de Sartre à Rothschild" consacré au quotidien Libération et aux affaissements de sa ligne éditoriale dont l'entrée de Edouard de Rothschild au sein de son capital marque le point d'orgue autant qu'elle en est significative.


Anissa Braham.


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