top of page
Rechercher
  • Photo du rédacteurCafé-Diplo en Sorbonne

Le siècle de Lénine, Serge Halimi, Octobre 2017.

Dernière mise à jour : 10 févr. 2018



"URSS : Union des républiques socialistes soviétiques. Au départ, le nom ne renvoie pas à un territoire mais à une idée : la révolution mondiale. Ses frontières seront celles du soulèvement qui a triomphé en Russie, puis de ceux qu’on attend ailleurs. Sur le coin supérieur gauche d’un immense drapeau rouge, une faucille et un marteau symbolisent le nouvel État, dont le premier hymne national sera… L’Internationale." Serge Halimi pour le Monde Diplomatique, dossier d'octobre 2017 sur le centenaire de la Révolution russe.



Critique


La « célébration » du centenaire de la Révolution d'octobre a été un événement pour le moins curieux. S'agit-il d'une paix posthume avec ce qui cesse d'être un temps un « régime » politique pour (re)devenir, dans une perspective universaliste, le « premier » système communiste de l'histoire de l'humanité ? Le point de vue historique ici adopté est en cela moins un choix qu'une condition pour traiter avec sérieux de la question soviétique. Mais le fait est qu'on ne traite pas par l'histoire d'une « époque » de la vie de l'URSS mais bien de l'URSS elle-même. L'article est édifiant : on peut user jusqu'à la corde la réflexion historique la plus exhaustive sur le « siècle de Lénine » sans qu'elle ne rassasisse jamais complètement la passion politique qu'il suscite chez ceux qui en ont été sevré par procuration. Si l'on veut se dégager une fois pour toute de cette perspective victorieuse qu'on juge désormais braquée en permanence sur le cas soviétique et qui est celle du néo-libéralisme, alors il s'agit de le dépêtrer de sa fixation dans le passé : cela fait sens. Mais encore faut-il pour cela comprendre que l'outil historique n'est pas transparent et que faire l'histoire de l'URSS, c'est déjà en faire quelque chose. Une telle rupture se veut tout sauf respectueuse: c'est une rupture engagée. L'aspiration à autre chose travaille le texte de l'extérieur ; pose par l'insuffisance latente l'authenticité intellectuelle (plus encore que la pertinence pure) d'un problème soviétique "heureux".


Pour que l'URSS cesse d'être cette chasse gardée de la chose historique, il faut que l'Histoire ne soit rien d'autre que la condition d'existence d'une réflexion purement philosophique et politique sur le sujet. En soit qu'une réappropriation marxiste de l'URSS soit possible. Ce n'est qu'en se cramponnant à l'Histoire des spécialistes, celle qui se fait avec des oeillères, que le néo-libéralisme prétend trouver à l'URSS des failles objectives inscrites dans son ADN. Si l'historicité soviétique est une historicité de fait, sa réduction à son histoire a tout d'un vernie académique appliqué sur des friches : encore faut-il le désigner comme tel. L'échec est d'autant moins pardonné au système mort qu'il est par définition incapable de le rattraper : il faut qu'elle n'ait rien accomplie de nouveau au risque d'exister dans les règles. L'internationalisme est en cela une donnée qui n'est pas présentable telle qu'elle. Si elle entre en jeu, alors c'est qu'on a moins une confrontation entre deux blocs antagonistes qu'une démonstration d'amour-propre d'une société vermoulue menacée par une suite du monde qui a fait ses preuves. Par pudeur, elle préfère le langage de la diplomatie.

Ce qui reste néanmoins sous-jacent, c'est la crainte que la première révolution communiste de l'histoire semble susciter comme suite de l'Histoire universelle avec laquelle la société moderne doit composer alors qu'elle s'est dite si vite son ennemie. Si elle n'a pas survécu au XX siècle, le heurte occidental à sa propre impossibilité de fin du monde semble lui rendre justice par l'universalité soviétique qu'elle nous oblige à contempler par l'usure libérale généralisée.


Auteur : Serge Halimi, né le 2 août 1955, est un écrivain et journaliste français. Membre de l'équipe de rédaction du Monde diplomatique depuis 1992, il occupe depuis mars 2008 le poste de directeur de ce mensuel. Il est l'auteur du livre "Les Nouveaux Chiens de Garde".


Anissa Braham.


Références de l'article :

  • Moshe Lewin, Le Siècle soviétique, Fayard - Le Monde diplomatique, Paris, 2003

  • Eric Hobsbawm, Marx et l’histoire, Demopolis, Paris, 2008

  • Simone Weil, « Méditations sur l’obéissance et la liberté », dans Œuvres complètes, tome II, Écrits historiques et politiques, Gallimard, Paris, 1991.

  • Lénine, 24 juin 1917.

  • Cité par Victor Serge, Lénine, 1917 (1924).


43 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout
bottom of page